Pour cet article de “Paroles d’Experts” – un peu spécial puisque réalisé durant le 2ème weekend de confinement, Damien a souhaité partager la vie d’experts, que ce soient des philosophes, des économistes ou des historiens sur les conséquences à court et moyen termes du Corona Virus.
Retour sur les interviews de Boris Cyrulnik (France Inter), Edgar Morin (Libération), Dominique Bourg (20 minutes), Giorgio Agamben (Le Monde), Cynthia Fleury (Télérama), Jacques Attali (Attali.com), Pierre Sabatier (PrimeView), Yuval Noah Harari (Financial Times ), Sina Farzaneh (traduction via L’Optimiste), Pankaj Mishra (Bloomberg), Mariana Mazzucato (The Guardian), Giorgio Agamben (Le Monde), Jacques Juilliard (Le Figaro).
Les phases du confinement : derrière la peur, retour à l’essentiel…
Même si cela a pu engendrer une adaptation et des crises au départ, le fait de devoir être en famille accentue le sentiment de sécurité et renforce le lien entre chaque membre sous le même toit mais aussi via les différentes possibilités de communication pour garder le lien avec les autres proches (parents, tantes, amis et même voisins..). Elle permet de fixer de nouvelles priorités, de retourner à l’essentiel dans nos relations et de développer la solidarité envers ceux qui sont en premières lignes (enfin à de rares exceptions près #MaVoisineEstUneInfirmière #JeNaiTrouvédeMieuxqueDeCaillasserunevoituredePompier/policier #VolDeMasque …). #Restezchezvous est la seule chose que beaucoup d’entre nous pouvons faire pour aider ceux qui soignent nos concitoyens.
Dans la situation actuelle, ni nos vies, ni nos morts ne nous appartiennent, et face à ce défi, Boris Cyrulnik parle d’Empathie, du retour aux lettres postales, aux héros, aux valeurs sociales, et à l’augmentation de la croyance en Dieu, le sauveur de l’humanité…
Pas de foi et de croyances particulières pour moi, donc pas de rebond de mysticisme ou de croyance en Dieu, simplement une volonté de comprendre quel mécanisme de défense nous pouvons avoir face à cette réalité.
Je reprends ici l’analyse de Sina Farzaneh, qui a vécu, en avance sur nous, la période actuelle en tant que « réfugié du coronavirus à Shanghai ».
Pour lui, il y a 5 phases :
Phase 1 : La survie
La phase 1, dite « phase de survie », est la plus compliquée. C’est la phase d’adaptation à ce nouveau mode de vie, teinté de panique, de mauvais sommeil, etc. On est le plus souvent en mode « réactif », à regarder sans arrêt les news sur l’évolution du virus. Les conseils pour cette phase : ne surtout pas passer ses journées à regarder les infos et se concentrer sur le plan de préparation de cette quarantaine. Que veut-on en faire ? Comment transformer ce temps lent en temps qualitatif ? Comment va-t-on occuper ces journées ?
Phase 2 : La sécurité
On s’habitue progressivement à ce mode de vie, on baisse nos défenses, on range nos placards et on commence à embrasser ce temps long. Les conseils pour cette phase : se retirer des boucles WhatsApp, ou autres, trop intempestives, mettre à profit ce temps pour explorer l’une des passions/activités que l’on n’a jamais le temps de pratiquer – par exemple la cuisine.
Phase 3 : L’appartenance
La phase 3 est considérée comme la phase d’appartenance. C’est là que les choses deviennent vraiment intéressantes, lorsque la nouvelle « normalité » s’installe. On apprend enfin à gérer son temps, à jongler entre travail et famille à la maison, à s’installer dans son rythme. Ce n’est pas la phase la plus facile, mais cette nouvelle norme et cet équilibre de vie inédit s’installent, curieusement, plutôt bien. Les conseils pour cette phase : ne plus évoquer la quarantaine comme une prison mais plutôt comme du « me time », créer un calendrier familial pour bien séparer les temps de famille et les temps de travail, ne plus être dans l’entre-deux.
Phase 4 : L’importance
La phase 4 est appelée « phase de l’importance ». Après avoir traversé toutes les phases précédentes, vous avez vécu beaucoup de changements en très peu de temps. Il s’agit de les mettre à profit pour une transformation potentielle : soyez donc attentif à toutes les nouvelles idées qui pourraient naître, sur votre façon de travailler, de vivre et sur ce que vous avez vraiment envie de faire. Les conseils pour cette phase : maintenir le plus possible l’équilibre trouvé dans la phrase précédente. Vous avez sûrement développé des relations différentes avec votre famille ou vos collègues depuis que vous avez traversé cette crise ensemble. Que voulez-vous en faire?
Phase 5: L’auto-actualisation
Alors que la panique ambiante et le nombre de nouveaux cas commencent à baisser, la vie s’ajuste lentement à la nouvelle norme. Rester vigilant et reconnaissant d’avoir enfin émergé, même si usés par une pandémie potentiellement dévastatrice. Prendre du recul par rapport à sa transformation. Les conseils pour cette phase : Tirer parti du changement rapide pour accélérer des changements dans son style de vie, son travail, etc.
Ok mais comment faire face à la réalité et à l’après ?
Peut-être parce que je suis seul, loin de ma fille, et dans un appartement qui n’est pas le mien (merci aux propriétaires de me le prêter 😉) , peut être que je me pose la question de l’empathie dans une période de ma vie où j’en ai vraiment besoin, peut-être parce que pour moi la vie d’un vieillard est aussi importante que la vie d’un autre, peut-être parce que j’ai peur, je voulais comprendre l’après, à travers le partage de différents articles que j’ai trouvé intéressants.
Loin de moi l’idée de pouvoir avoir une projection sur ce que nous vivons actuellement à titre personnel ou collectif, mais je voulais savoir pendant ce weekend ce que pensent les anciens et les personnes dénuées d’intérêts économiques ou politiques.
Dans un article passionnant du Financial Times, Yuval Noah Harari dit que :
« L’humanité est aujourd’hui confrontée à une crise mondiale. Peut-être la plus grande crise de notre génération. Les décisions que les citoyens et les gouvernements prendront au cours des prochaines semaines façonneront probablement le monde pour les années à venir. Ils façonneront non seulement nos systèmes de santé, mais aussi notre économie, notre politique et notre culture. Nous devons agir rapidement et de manière décisive. Nous devons également prendre en compte les conséquences à long terme de nos actions. Lorsque nous choisissons entre des alternatives, nous devons nous demander non seulement comment surmonter la menace immédiate, mais aussi quel genre de monde nous habiterons une fois la tempête passée. Oui, la tempête passera, l’humanité survivra, la plupart d’entre nous seront toujours en vie – mais nous habiterons un monde différent. »
Dans Bloomberg, Pankaj Mishra (essayiste, romancier et journaliste indien) était lui très factuel en expliquant :
« Nous vivons une période extraordinaire. […] Le coronavirus indique une transformation radicale, du type qui ne se produit qu’une fois par siècle et qui fait éclater toutes les idées communes d’avant. Toutes les conditions qui ont mené à la Première Guerre mondiale, puis à la crise économique de 1929 sont à nouveau réunies. Depuis des décennies, la désindustrialisation, la délocalisation des emplois, puis l’automatisation ont privé de nombreux travailleurs de leur sentiment de sécurité et de leur dignité, ce qui, dans les pays occidentaux, les a rendus vulnérables aux démagogues. Dans le même temps, le ralentissement de la modernisation économique ou le processus bâclé d’urbanisation lancé par les puissances « en rattrapage » comme l’Inde ou la Russie ont créé, de façon prévisible, la base politique pour des figures et des mouvements d’extrême droite. »
Boris Cyrulnik, plus terre à terre, évoquait la situation à l’instant T sur France Inter : beaucoup d’entre nous ne pourrons pas accompagner nos proches et que le deuil sera encore plus difficile, entre culpabilité et colère face à ce rite ancestrale qui accompagne les civilisations depuis la nuit des temps. Quand la mort nous guette, nous prenons automatiquement conscience de la fragilité de notre existence… C’est pour cela que nous ressentons le besoin quasi vital de dire à nos proches que nous les aimons mais aussi que nous allons tout essayer pour nous rendre utile aux autres.
Edgar Morin, éternel optimiste, envisage dans Libération le confinement comme « une occasion inespérée de régénérer la notion même d’humanisme, mais aussi pour chacun, d’opérer un tri entre l’important et le frivole. » Le directeur de recherche émérite au CNRS, nonagénaire quasi centenaire à l’optimisme inébranlable et au regard lumineux, voit dans ce moment d’arrêt planétaire l’opportunité d’une « crise existentielle salutaire » (réfléchir sur le sens de nos vies). Pour lui, nous sommes soumis à 3 crises (biologique, économique et de civilisation) en même temps, et « le confinement pourrait être une opportunité de désintoxication ».
Bien évidemment, après le confinement, la vie va reprendre… mais je pense que les choses ne seront plus tout à fait identiques, et que l’on peut craindre le pire et le meilleur…
Pour Boris Cyrulnik, après chaque catastrophe, il y a un changement de culture, la vie reprend mais pas comme avant, la hiérarchie des valeurs va être modifié, valeur du foyer, valeur du temps, de la liberté et de l’amour.
Qui conservera les habitudes prises durant ce dernier mois ? (Télétravail, drive/livraison à domicile, produits locaux…) Combien de naissances dans 9 mois ? Plus de ventes d’animaux ? Allez-vous consommer la vie différemment ?
Une fois l’épidémie passée, Giorgio Agamben pense qu’il va falloir veiller « à ce que la prise de conscience produise une véritable mue, et que les actes succèdent aux mots ».
L’idéologie du progrès permanent que l’on m’a inculqué en prend un coup… Pour beaucoup, le Covid-19 est même « salutaire » puisqu’il nous contraint à revenir aux fondamentaux, à comprendre qu’on est en train de changer d’époque.
Peut-on considérer cette crise comme une bonne nouvelle ?
Cette question revient souvent dans les différents interviews. Et si elle peut paraitre complètement déplacée face à la situation sanitaire des hôpitaux, aux combats contre la mort, le simple fait qu’elle soit posée montre que le rôle d’un historien ou d’un intellectuel est de comparer, d’analyser et d’expliquer crument la réalité en faisant abstraction de l’affect du moment présent.
Le virus se fiche du contexte social. Il touche les riches comme les pauvres, et malgré les effets « d’égoïsmes » (fuite des parisiens vers leurs maisons de campagnes, actions de certains profiteurs, fermeture ou pas de certains lieux de vie..), je trouve que cette infection contraint au civisme et que chacun essaye de faire preuve de solidarité (vague de citoyens qui s’engagent en « armée » de réserve, livraison de nourriture gratuites, soutien moral à 20h en applaudissant le personnel hospitalier, encore peu d’émeutes dans le monde..)
Pour Jacques Attali :
« chaque épidémie majeure, depuis mille ans, a conduit à des changements essentiels dans l’organisation politique des nations, et dans la culture qui sous-tendait cette organisation. Par exemple, (et sans vouloir réduire à néant la complexité de l’Histoire), on peut dire que la Grande Peste du 14ème siècle, (dont on sait qu’elle réduisit d’un tiers la population de l’Europe) a participé à la remise en cause radicale, sur le vieux continent, de la place politique du religieux, et à l’instauration de la police, comme seule forme efficace de protection de la vie des gens. L’Etat moderne, comme l’esprit scientifique, y naissent alors comme des conséquences, des ondes de choc, de cette immense tragédie sanitaire. L’un et l’autre renvoient en fait à la même source : la remise en cause de l’autorité religieuse et politique de l’Eglise, incapable de sauver des vies, et même de donner un sens à la mort. Le policier remplaça le prêtre.
Il en alla de même à la fin du 18ème siècle, quand le médecin remplaça le policier comme le meilleur rempart contre la mort.
On est donc passé en quelques siècles d’une autorité fondée sur la foi, à une autorité fondée sur le respect de la force, puis à une autorité plus efficace, fondé sur le respect de l’Etat de droit.
On pourrait prendre encore d’autres exemples et on verrait que, à chaque fois qu’une pandémie ravage un continent, elle discrédite le système de croyances et de contrôle, qui n’a su empêcher que meurent d’innombrables gens ; et les survivants se vengent sur leurs maîtres, en bouleversant le rapport à l’autorité.»
Le philosophe Dominique Bourg dans 20minutes, compare la crise de 2008-2009 et celle d’aujourd’hui :
« Elles n’ont rien à voir. En 2008-2009, on a une crise financière qui débouche sur une crise économique, qui, elle-même, débouche sur des dommages sociaux. Là, nous avons une crise sanitaire, avec la question de la vie et de la mort des gens. Cette crise sanitaire débouche sur le fait de figer l’économie. La mondialisation montre qu’il est plus difficile d’y faire face. Effectivement, les états vont dépenser énormément en étant déjà extrêmement endettés. C’est-à-dire que l’idée même de remboursement de la dette n’a pas forcément de sens après cette crise. Ensuite, le coronavirus arrive avec un basculement culturel qui n’avait pas du tout eu lieu en 2007-2008… On est déjà entré dans une dynamique culturelle où les gens ont commencé à comprendre que le monde tel qu’ils l’ont connu va disparaître. On ne va pas sortir de la crise, c’est ce qu’il faut bien comprendre. On ne va pas revenir comme avant… Et la seule façon de faire face, c’est de revenir aux fondamentaux, et aux comportements. Réduire nos émissions à l’échelle mondiale, vous ne le faites pas avec des techniques, vous le faites avec des comportements… »
Après avoir évoqué dans Le Monde du 28 mars, que « La mondialisation telle qu’elle existe aujourd’hui nous rend littéralement malades, elle est devenue invivable, totalement délétère pour nos santés physique et psychique, économique et démocratique », Giorgio Agamben indique la même chose : « Nous redécouvrons que la santé, l’éducation, l’alimentation, la recherche, etc., sont des biens communs, vitaux, matriciels pour la démocratie, non réductibles à des biens marchands ».
Il continue en reprenant un mot que j’avais voulu utilisé comme nom de société.. « Les philosophes grecs parlent du « kaïros », cet instant opportun, qui transforme un événement en commencement historique, qui produit un avant et un après. Le Covid-19 doit être l’occasion de ce kaïros national et international. Rendez-vous compte, il s’agit d’une pandémie faisant vriller l’économie mondiale. Si nous ne nous saisissons pas de cette obligation d’initium, dont parlait Arendt, d’inventer un autre modèle, nous ratifions le fait que nous sommes déments. »
Début d’analyse identique de Cynthia Fleury : « L’un des enjeux de l’épidémie est de construire un comportement collectif respectueux de l’Etat de droit » car notre autonomie se construit sur notre dépendance aux autres. Selon elle, l’épidémie rappelle que la santé est un bien commun, non réductible à de la marchandisation.
Edgar Morin, évoque lui aussi le fait que notre raison doit toujours être sensible à tout ce qui affecte l’humain (éthique, solidarité et responsabilité dans un cercle vertueux et interdépendant) car pour que l’humanité puisse survivre, elle doit se métamorphoser. Chacun de nous est à l’intérieur d’une aventure collective incroyable. Il considère que chacun fait partie d’un grand être constitué de 7 milliards d’humains, comme une cellule fait partie d’un corps parmi des centaines de milliards de cellules… (ayant été dernièrement malade, cette comparaison m’a particulièrement parlé), chacun participe à sa manière à cette aventure.
Selon Yuval Noah Harari, nous faisons face à des choix importants de société. Choix entre l’isolement nationaliste et la solidarité mondiale, entre une société de surveillance totalitaire (victoire de la méthode Chinoise = perte des libertés individuelles..) et une responsabilisation du citoyen (modèle sud-Coréen avec une information transparente et le dévouement d’un peuple qui fait confiance aux autorités). Pour lui une « population volontaire et bien informée est bien souvent beaucoup plus efficace et puissante qu’une population ignorante, mais surveillée… ». Et surtout, nous pouvons, en tant qu’individus et citoyens, agir directement sur ce choix de société.
Même constat pour Jacques Attali, « Aujourd’hui encore, si les pouvoirs en place en Occident se révélaient incapables de maîtriser la tragédie qui commence, c’est tout le système de pouvoir, tous les fondements idéologiques de l’autorité qui seraient remis en cause, pour être remplacés, après une période sombre, par un nouveau modèle fondé sur une autre autorité, et la confiance en un autre système de valeur.
Autrement dit, le système d’autorité fondé sur la protection des droits individuels peut s’effondrer. Et avec lui, les deux mécanismes qu’il a mis en place : le marché et la démocratie, l’un et l’autre des façons de gérer le partage des ressources rares, dans le respect des droits des individus.
Si les systèmes occidentaux échouent, on pourrait voir se mettre en place non seulement des régimes autoritaires de surveillance utilisant très efficacement les technologies de l’intelligence artificielle, mais aussi des régimes autoritaires de répartition des ressources. (Cela commence d’ailleurs dans les lieux les moins préparés et les plus insoupçonnés : A Manhattan, nul, hier n’avait le droit d’acheter plus que deux paquets de riz) ».
Fini la mondialisation, mais besoin d’un plan mondial ?
Pour l’économiste Pierre Sabatier, nous sommes arrivés au bout de deux phénomènes interdépendants : l’hyper-mondialisation (tout circule très rapidement) et l’hyper-métropolisation. En résumé, la concentration par le pouvoir des activités dans les grandes métropoles (avec des emplois qualifiés donc du pouvoir d’achat) versus des emplois non qualifiés dans des territoires vides qui a entrainé un fossé entre les populations. Comment pouvoir parler de vivre ensemble et faire face aux grandes décisions actuelles alors qu’il y a trop de différences entre les gens et les régions (crise des gilets jaunes/vie des parisiens). Il n’y a plus de cohésion sociale, plus de confiance envers le pouvoir, plus de cohésion de territoire, donc le pays ne peut pas répondre à la crise actuelle (il faut créer des emplois dans tous les territoires pour augmenter le pouvoir d’achat via des emplois qualifiés). D’autres évoquent un revenu universel pour tous, mais une chose est sure pour faire une nouvelle société, il faut partager quelque chose et trouver un nouveau modèle.
Constat similaire pour Mariana Mazzucato (économiste américaine) dans The Guardian :
« Il faut pour cela repenser le rôle des gouvernements : plutôt que de se contenter de corriger les défaillances du marché lorsqu’elles ont lieu, ils devraient chercher activement à mettre en place et créer des marchés qui assurent une croissance durable pour tous […]. Il est grand temps de tirer les douloureuses leçons de la crise financière mondiale de 2008. Il ne faut pas se contenter de distribuer de l’argent aux entreprises. Mais plutôt poser des conditions pour s’assurer que les plans de sauvetage financiers puissent transformer les secteurs auxquels ils viennent en aide et leur permettre de jouer un rôle dans une nouvelle économie : une économie axée sur la stratégie du New Deal écologique, qui consiste à réduire les émissions de carbone tout en investissant dans la formation des travailleurs, et s’assurer que ces derniers peuvent s’adapter aux nouvelles technologies. Cela doit être fait maintenant, pendant que le gouvernement a la main. »
Donc la crise du coronavirus pourrait accélérer la création d’un nouveau monde… en revenant aux fondamentaux ! Mais quid de la confiance !
Pour Yuval Noah Harari, « L’épidémie elle-même et la crise économique qui en résulte sont des problèmes mondiaux. Ils ne peuvent être résolus efficacement que par une coopération mondiale. Tout d’abord, pour vaincre le virus, nous devons partager des informations à l’échelle mondiale.
C’est le gros avantage des humains sur les virus. Un coronavirus en Chine et un coronavirus aux États-Unis ne peuvent pas échanger des conseils sur la façon d’infecter les humains. Mais la Chine peut enseigner aux États-Unis de nombreuses leçons précieuses sur le coronavirus et comment y faire face. Ce qu’un médecin italien découvre à Milan tôt le matin pourrait bien sauver des vies à Téhéran le soir. Lorsque le gouvernement britannique hésite entre plusieurs politiques, il peut demander conseil aux Coréens qui ont déjà fait face à un dilemme similaire il y a un mois. Mais pour que cela se produise, nous avons besoin d’un esprit de coopération et de confiance mondiales.
La coopération mondiale est également vitale sur le plan économique. Étant donné la nature mondiale de l’économie et des chaînes d’approvisionnement, si chaque gouvernement fait sa propre chose au mépris des autres, le résultat sera le chaos et une crise qui s’aggrave. Nous avons besoin d’un plan d’action mondial et nous en avons besoin rapidement.
Malheureusement, à l’heure actuelle, les pays ne font pratiquement rien de tout cela. Une paralysie collective a saisi la communauté internationale. Il ne semble y avoir aucun adulte dans la chambre. On se serait attendu à voir, il y a déjà quelques semaines, une réunion d’urgence des dirigeants mondiaux pour élaborer un plan d’action commun. Les dirigeants du G7 n’ont réussi à organiser une vidéoconférence que cette semaine, et cela n’a abouti à aucun plan de ce type. Lors des crises mondiales précédentes – comme la crise financière de 2008 et l’épidémie d’Ebola de 2014 – les États-Unis ont assumé le rôle de leader mondial. Mais l’administration américaine actuelle a abdiqué le poste de leader. Il a été très clair qu’il se soucie beaucoup plus de la grandeur de l’Amérique que de l’avenir de l’humanité depuis l’arrivée de TRUMP ! »
Mariana Mazzucato appuie qu’ « Il manque à l’humanité un leadership mondial. […] L’administration US actuelle a coupé le soutien aux organisations internationales telles que l’Organisation mondiale de la santé et a clairement fait comprendre au monde que les États-Unis n’avaient plus de vrais amis – ils n’avaient que des intérêts. La confiance dans l’administration américaine est érodée. Qui a envie de suivre un leader dont la devise est “Moi d’abord” ? […] Le vide laissé par les États-Unis n’a été comblé par personne d’autre. La xénophobie, l’isolationnisme et la méfiance caractérisent désormais le système international. Sans confiance et sans solidarité mondiale, nous ne pourrons pas arrêter cette épidémie. Espérons que cette crise aidera l’humanité à se rendre compte du danger aigu que représente la désunion mondiale.
La Chine et la Russie envoient des aides (et des chars…) et en profitent pour faire de la propagande. Cette épidémie aurait pu être être une occasion en or pour l’UE de regagner le soutien populaire qu’elle a perdu ces dernières années. Mais les gouvernements auront du mal à gérer … leur gestion catastrophique de la crise et leur bilan sanitaire avec ses milliers de mort…
Dans Time, Yuval Noah Harari pensait que « Si les membres les plus chanceux de l’UE s’impliquaient rapidement afin d’aider leurs collègues les plus durement touchés, cela prouverait la valeur de l’idéal européen mieux que n’importe quel discours. Mais si chaque pays doit se débrouiller seul, alors l’épidémie pourrait sonner le glas de l’Union. »
De mon coté, je pense sincèrement que Trump vient de perdre les futurs élections car les électeurs ne lui pardonneront pas les milliers de morts à venir, les USA vont sûrement être le pays le plus touché dans les 2 mois qui viennent par le Corona Virus (Etat de Floride avec beaucoup de personnes âgées, choix de l’économie/la santé, aucunes mesures préventives…). A moins qu’un vaccin ou un traitement existant comme la Chloroquine ne le sauve et ne sauvent des milliers de vies dans le monde.
On en revient à la confiance….
« Mais, – ajoute Harari –, pour atteindre un tel niveau de coopération, la confiance est nécessaire ». Confiance envers les autorités, envers la science, envers les médias. Or, ces dernières années, dans nos sociétés occidentales, cette confiance a été sapée.
« En temps normal, la confiance qui a été érodée ne peut pas être reconstruite du jour au lendemain. Mais nous ne sommes pas en temps normal. Dans un moment de crise, les esprits aussi peuvent changer rapidement.
Il n’est pas trop tard pour reconstruire la confiance des gens envers la science, envers les autorités publique et les médias. Nous devrions aussi utiliser les nouvelles technologies, mais pour responsabiliser les citoyens. Je suis pour prendre ma température et ma pression sanguine, mais ces données ne doivent pas servir à créer un Etat tout-puissant. Plutôt à me permettre de faire des choix personnels intelligents car bien informés et aussi à tenir le gouvernement responsable de ses décisions. La surveillance peut aussi être utilisée par les individus pour suivre de près les actions des gouvernements ».
Il conclut : « L’épidémie de coronavirus est un test majeur pour la citoyenneté. Dans les jours qui viennent, chacun d’entre nous devra choisir de faire confiance aux données scientifiques et aux experts médicaux plutôt qu’aux théories conspirationnistes et aux politiciens qui ne servent qu’eux-mêmes. Si nous échouons à faire le bon choix, nous risquons d’abandonner nos libertés les plus précieuses en pensant qu’il s’agit de la seule manière de garantir notre santé ».
Car une chose semble certaine, c’est qu’« une autre leçon de ces crises, est que le désir de vivre est toujours le plus fort ; et que, à la fin, les humains renversent tout ce qui les empêche de jouir des rares moments de leur passage sur la terre » selon Attali !
« Aussi, quand l’épidémie s’éloignera, verra-t-on naître, (après un moment de remise en cause très profonde de l’autorité, une phase de régression autoritaire pour tenter de maintenir les chaînes de pouvoir en place, et une phase de lâche soulagement), une nouvelle légitimité de l’autorité ; elle ne sera fondée ni sur la foi, ni sur la force, ni sur la raison (pas non plus, sans doute, sur l’argent, avatar ultime de la raison).
Le pouvoir politique appartiendra à ceux qui sauront démontrer le plus d’empathie pour les autres. Les secteurs économiques dominants seront d’ailleurs aussi ceux de l’empathie : la santé, l’hospitalité, l’alimentation, l’éducation, l’écologie. En s’appuyant, bien sûr, sur les grands réseaux de production et de circulation de l’énergie et de l’information, nécessaires dans toute hypothèse.
On cessera d’acheter de façon frénétique des choses inutiles et en reviendra à l’essentiel, qui est de faire le meilleur usage de son temps sur cette planète, qu’on aura appris à reconnaître comme rare et précieux. Notre rôle est de faire en sorte que cette transition soit la plus douce possible, et non un champ de ruines. Plus vite on mettra en œuvre cette stratégie, plus vite on sortira de cette pandémie, et de la terrible crise économique qui s’en suivra. »
Ma petite conclusion…
« En période de crise, il n’y a pas de position définitive, on évalue & on réajuste en permanence nos positions » disait dernièrement un grand patron français à ses employés..
Pour beaucoup, que ce soit les politiques, les artisans ou les chefs d’entreprises, l’après CoronaVirus va être la relance économique, pour « rattraper le temps perdu » pendant le confinement, sauver ce qui peut l’être dans son quotidien. Mais de mon côté je ne vois pas du tout un retour « à la normale », il y aura un rappel permanent des difficultés et de la fragilité vécue par des individus unis pour le bien commun, il y aura la naissance d’une réalité nouvelle, celle que nous sommes tributaires de chaque action individuelle et qu’il convient ENSEMBLE de VIVRE, en mettant notre environnement au cœur de notre vie.
Je finirai plus légèrement par cette phrase du Dalai Lama, que j’ai déjà partagé plusieurs fois sur mes réseaux sociaux : « Ce qui me surprend le plus chez l’homme occidental c’est qu’il perd la santé pour gagner de l’argent et il perd ensuite son argent pour récupérer la santé.
A force de penser au futur, il ne vit pas au présent , et il ne vit donc ni le présent ni le futur.
Il vit comme s’il ne devait jamais mourir, et il meurt comme s’il n’avait jamais vécu. »
Car j’espère simplement à mon petit niveau, que l’on pense à vivre sans être dans une course permanente au pouvoir ou aux chiffres, mais plutôt dans le partage entre générations & races, en mettant en préambule de vie le respect total de la nature. En tout cas, de mon côté, je ne suis pas utopique, j’aimerais croire en un monde meilleur, mais je vais simplement utiliser cette crise pour accélérer ma prise de conscience personnelle sur mes priorités, qui se résument au temps que je vais consacrer à ma fille et aux proches qui comptent vraiment pour moi…
Retour sur nos Experts :
Né en 1921, Edgar Morin, sociologue, philosophe, « humanologue », dit-il, écrivain mondialement connu, penseur de la « complexité » à l’œuvre abondante et englobante – La Méthode est son œuvre majeure, a vécu la Résistance, traversé le XXe siècle entre émerveillement et révolte.
« Ressentir plus que jamais la communauté de destins de toute l’humanité » – Edgar Morin https://www.liberation.fr/debats/2020/03/27/edgar-morin-ressentir-plus-que-jamais-la-communaute-de-destins-de-toute-l-humanite_1783400
Yuval Noah Harari, historien de formation et auteur à succès de Sapiens : une brève histoire de l’humanité, de Homo Deus : une brève histoire de l’avenir ainsi que de 21 leçons pour le XXIe siècle.
A quoi va ressembler le monde après le CoronaVirus & Vue de Russie, l’Europe frappée par la pandémie de Covid-19 sera bientôt méconnaissable – Yuval Noah Harari https://www.moustique.be/25740/yuval-noah-harari-quoi-va-ressembler-le-monde-apres-le-coronavirus & https://www.courrierinternational.com/article/vu-de-russie-leurope-frappee-par-la-pandemie-de-covid-19-sera-bientot-meconnaissable
Dominique Bourg, passionné et multi-diplômé défenseur de l’écologie et du développement durable, il a axé ses recherches sur la construction sociale des risques, l’économie de fonctionnalité et la démocratie participative. Il a notamment fait partie de la Commission Coppens qui a préparé quatre années durant la Charte de l’Environnement aujourd’hui partie intégrante du Préambule de la Constitution Française.
Coronavirus : « C’est le début d’une déstabilisation en cours, il n’y aura pas d’après » – Dominique Bourg https://www.20minutes.fr/arts-stars/culture/2743779-20200319-coronavirus-debut-destabilisation-cours-apres-selon-philosophe-dominique-bourg
Sina Farzaneh est entre autre le co-fondateur de Advocacy, une agence de social-marketing basée à Shanghai spécialisée dans l’identification et les moyens des marques pour les entreprises en quête de bouche-à-oreille systématique et durable. Formé en anthropologie, il a quitté la Silicon Valley pour la Chine et travaille en Asie depuis 2005.
Lessons from a coronavirus refugee – Sina Farzaneh https://www.loptimisme.com/les-5-phases-psychologiques-du-confinement/
Pierre Sabatier, économiste prospectiviste, président du cabinet indépendant de recherche économique et financière PrimeView, membre du Cercle Turgot et des Econoclastes. Auteur de « La Chine, une bombe à retardement: bulle économique, déséquilibres sociaux, menace environnementale, la fin d’un système ? » et « Après la récession… inflation ou déflation ? »
L’avenir doit prendre ses racines dans les territoires – Pierre Sabatier https://www.youtube.com/watch?time_continue=202&v=MKY7T2o3Umc&feature=emb_logo
Pankaj Mishra est un chroniqueur pour Bloomberg Opinion, un réseau dynamique d’informations, de personnes et d’idées. Il a écrit plusieurs livres, notamment : “Age of Anger: A History of the Present”, “From the Ruins of Empire: The Intellectuals Who Remade Asia” and “Temptations of the West: How to Be Modern in India, Pakistan, Tibet and Beyond.”
Get Ready, A Bigger Disruption Is Coming – Pankaj Mishra https://www.bloomberg.com/opinion/articles/2020-03-16/coronavirus-foreshadow-s-bigger-disruptions-in-future
Boris Cyrulnik, neuropsychiatre français, ancien animateur d’un groupe de recherche en éthologie clinique au centre hospitalier intercommunal.
« Après le coronavirus, il y aura des changements profonds, c’est la règle » – Boris Cyrulnik https://www.franceinter.fr/vie-quotidienne/boris-cyrulnik-apres-le-coronavirus-il-y-aura-des-changements-profonds-c-est-la-regle
Mariana Mazzucato est professeure d’économie à l’University College of London, directrice de l’Institut pour l’innovation et la formation agents de missions publiques (Institute for Innovation & Public Purpose), auteur de « The Entrepreneurial State » et « The Value of Everything ».
The Covid-19, crisis is a chance to do capitalism differently – Mariana Mazzucatohttps://www.theguardian.com/commentisfree/2020/mar/18/the-covid-19-crisis-is-a-chance-to-do-capitalism-differently
Cynthia Fleury, philosophe et psychanalyste française, professeure titulaire de la chaire Humanités et santé au Conservatoire National des Arts et Métiers. Elle se prête à journal de confinement, un exercice de prospective stimulant inspiré de la Singularity University.
Journal d’une confinée, les 16façons d’entrevoir un avenir meilleur – Cynthia Fleury https://www.telerama.fr/livre/journal-dune-confinee,-par-cynthia-fleury-les-16-facons-dentrevoir-un-avenir-meilleur,n6621715.php
Bernard Leon, auteur de billets pour Médiapart sous la rubrique « Le blog de Bernard Leon ».
CoronaVirus révélateur de dispositifs intellectuels – Bernard Leon https://blogs.mediapart.fr/bernard-leon/blog/280320/coronavirus-revelateur-de-dispositifs-intellectuels
Giorgio Agamben, philosophe italien particulièrement tourné vers l’histoire des concepts et spécialiste de la pensée de Walter Benjamin, de Heidegger, de Carl Schmitt et d’Aby Warburg.
« L’épidémie montre clairement que l’État d’exception est devenu la condition normale » – Giorgio Agambenhttps://www.lemonde.fr/idees/article/2020/03/24/giorgio-agamben-l-epidemie-montre-clairement-que-l-etat-d-exception-est-devenu-la-condition-normale_6034245_3232.html
Jacques Attali, écrivain, polytechnicien, énarque et ancien conseiller spécial du président de la République François Mitterrand pendant dix ans, puis président de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, il a notamment fondé Action contre la faim, Eureka, BERD et Positive Planet.
Que naitra-t-il ? – Jacques Attali http://www.attali.com/societe/que-naitra-t-il/
Guillaume Fonteneau, conseiller en gestion de patrimoine indépendant à la tête d’un blog très fréquenté.
Quel sera le monde d’après le CoronaVirus, revue de prospective et d’analyse – Guillaume Fonteneau https://www.leblogpatrimoine.com/strategie/quel-sera-le-monde-dapres-le-coronavirus-revue-de-prospective-et-danalyse.html
Jacques Juilliard, historien, essayiste et journaliste et essayiste français, ancien responsable syndical, éditorialiste du Nouvel Observateur pendant 32 avant de devenir celui de Marianne. Il analyse cette épreuve collective à travers un examen de conscience.
CoronaVirus, retour à la condition humaine – Jacques Juilliard https://www.lefigaro.fr/vox/societe/jacques-julliard-coronavirus-retour-a-la-condition-humaine-20200329